Histoire



Genèse des métros sur pneumatiques

C'est à partir de 1955 que certaines lignes du métro de Paris ont été équipées de pneumatiques. L'objectif était de diminuer le bruit de roulement des véhicules et leurs vibrations.
Mais cette technique présente également d'excellentes caractéristiques d'adhérence, ce qui a donné l'idée d'appliquer le procédé à d'autres transports guidés.



Métro Parisien



La société SAFEGE TRANSPORT

SAFEGE Transport

SAFEGE TRANSPORT est créée à la fin des années 50. Sa mission consiste en l'étude et la réalisation d'un métro suspendu mettant à profit la technologie récente des métros sur pneumatiques.



Elle est constituée par les sociétés :

  • Banque Française pour le Commerce Extérieur,
  • Banque de l'Indochine,
  • Banque de Paris et des Pays-Bas,
  • Compagnie Financière de Suez,
  • Compagnie Française d'Entreprises,
  • Crédit Lyonnais,
  • Etablissements Saxby,
  • Forges et Ateliers de Constructions Electriques de Jeumont,
  • Manufacture Française de Pneumatiques Michelin (Michelin - Durin et Cie),
  • Régie Nationale des Usines Renault,
  • Société des Aciéries de Pompey,
  • Société Alsacienne de Constructions Mécaniques,
  • Société l'Aluminium Français,
  • Société Anonyme Française d'Etudes de Gestion et d'Entreprises (S.A.F.E.G.E.),
  • Société d'Applications mécaniques du Caoutchouc - Usines Paulstra,
  • Société Baudin-Châteauneuf,
  • Société des Forges et Aciéries du Creusot - Usines Schneider,
  • Société Générale de Constructions Electriques et Mécaniques Alsthom,
  • Société Lyonnaise des Eaux et de l'Eclairage

D'autres sociétés y sont également associées :

  • Compagnie Clemançon,
  • Etablissements Faiveley,
  • Société de Construction des Avions Hurel-Dubois,
  • Société des Entreprises Boussiron,
  • Société M.T.E.,
  • Travaux Industriels pour l'Electricité Trindel




La métro suspendu SAFEGE

La cabine du SAFEGE est construite en 1959 par la Régie RENAULT à Choisy le Roi en région parisienne, et une voie d'essais de 1370 mètres de long est établie à Châteauneuf sur Loire, à l'est d'Orléans, sur le terrain de la société BAUDIN CHÂTEAUNEUF.
La configuration de cette voie est prévue pour étudier et démontrer le plus grand nombre d'aptitudes du système. Ainsi, la voie comporte une courbe en pleine voie de 400 mètres de rayon, un aiguillage tracé avec une voie déviée en courbe de 30 mètres de rayon, ainsi que deux rampes, l'une de 3 % et l'autre de 4,4 %.
La voie est supportée par des poteaux de formes différentes : des potences et des chevalets. Les éléments de voie sont en métal.

Construction de la voie de Châteauneuf sur Loire


Les premiers essais sont prévus pour le mois d'avril 1960, mais le 21 janvier, un télégramme annonce que le maire de San Francisco, accompagné de plusieurs journalistes américains, sera de passage en France courant février. Il souhaite que lui soit présenté le métro suspendu, car ce nouveau système pourrait résoudre les problèmes de transport qui se posent dans sa ville.

Les travaux de construction du véhicule sont donc accélérés. La cabine quitte l'usine RENAULT de Choisy le Roi le 16 février 1960, tandis que le moteur - fabriqué chez ALSTHOM à Tarbes - et d'autres pièces fabriquées au Creusot sont transportés à Châteauneuf sur Loire.



Intérieur du Safege
Un bogie du Safege


Une semaine après seulement, le 23 février, le SAFEGE est présenté en fonctionnement au maire de San Francisco et à la presse française et américaine. Tous repartent convaincus de la viabilité du procédé.

Des essais très poussés sont menés à Châteauneuf sur Loire et la société SAFEGE TRANSPORT signe des contrats avec des pays étrangers comme la Belgique et les Pays-Bas.

Toutefois, les essais menés à Châteauneuf sont jugés insuffisants, en particulier pour mesurer l'adaptation du système à un trafic important de voyageurs. Aussi, une ligne commerciale, même de courte longueur, doit être rapidement construite en France. Ce n'est qu'à cette condition que les contrats avec l'Etranger pourront réellement démarrer.



© Carte Michelin N°101

En juillet 1964, une première ligne est envisagée au nord-est de Paris, entre Livry-Gargan et Clichy-sous-Bois. Deux systèmes sont en concurrence : un métro aérien "classique", sur viaduc, et le métro suspendu SAFEGE. Cette ligne, longue de 2870 mètres comporterait 3 stations et nécessiterait 2 ans de travaux.

C'est finalement la solution SAFEGE TRANSPORT qui est retenue en mai 1965, et on envisage au même moment la création d'une ligne de 4 km entre Charenton et Créteil, au sud-est de Paris.




Mais le projet de ligne entre Livry-Gargan et Clichy sous Bois est abandonné, car les premières études montrent que le sous sol est trop fragile pour supporter les piliers d'une voie construite en viaduc.
C'est donc le projet Charenton - Créteil qui est retenu fin septembre 1965.



Actualités Paris Match

© Actualités Paris-Match





La ligne de 3 km sera établie entre Charenton-Ecole et le carrefour de l'Echat à Créteil. Elle empruntera le tracé de la RN19 et franchira la Marne juste après Charenton. Les stations seront espacées de 1 km.

Si l'emplacement de la gare à Charenton est clairement choisi (à côté de la station de métro déjà existante), à Créteil son emplacement précis est encore à déterminer.
La ligne est également étudiée en prévision de prolongements vers la Gare de Lyon à Paris d'une part et Boissy Saint Léger d'autre part.

© Carte Michelin N°101


Les premiers mois de 1966 sont donc consacrés à l'étude précise, tant technique que financière de cette future ligne. Ainsi, début avril 1966, la RATP et SAFEGE TRANSPORT remettent au Syndicat des Transports de la Région Parisienne un projet détaillé.
La construction de la ligne doit commencer rapidement.

Pendant ce temps à Châteauneuf sur Loire, François Truffaut utilise le SAFEGE dans de nombreuses séquences de son film "Fahrenheit 451", adaptation du roman éponyme de Ray Bradbury.

Pourtant, le projet Charenton - Créteil est abandonné en octobre 1966 : les études ont montré que l'établissement de cette ligne coûtera plus cher que la prolongation de la ligne de métro N° 8 déjà existante.
C'est la fin des projets français pour SAFEGE TRANSPORT.


La voie de Châteauneuf sur Loire est détruite à la fin des années 60, et la cabine est vendue au prix du métal à un ferrailleur d'Huisseau sur Mauves près d'Orléans. Elle est destinée à être détruite, mais le fils du ferrailleur l'habite pendant plusieurs années. Pendant un moment, elle fait même office de poulailler !


C'est en 1991 qu'un promeneur la découvre, en très bon état, dans le terrain vague où elle repose depuis la fin des années 60.
A cette époque, quelques personnes à côté d'Orléans essaient de sauver ce qu'il reste de l'Aérotrain. Il décident d'inclure le SAFEGE dans leurs projets et créent une association : l'ARSATI (Association pour la Réhabilitation du Système Aérotrain et des Transports Innovants).

Le ferrailleur accepte de vendre la cabine à l'association pour 5000 francs. Fin août 1994, le SAFEGE est entièrement nettoyé en vue de sa récupération.



Préparation du Safege à Huisseau sur Mauves


La cabine est transportée à Saran le 2 septembre 1994 avec l'aide de la Société DERET TRANSPORT.
Le SAFEGE est déposé dans un hangar prêté par la base militaire d'Orléans-Bricy. Il doit y être rénové pour être exposé dans un futur musée, à côté de l'Aérotrain.

Parallèlement, la société BAUDIN CHÂTEAUNEUF donne à l'ARSATI un élément de voie en béton de 30 mètres de long retrouvé sur son terrain. Cet élément ne fait pas partie de la voie originale : il a été fabriqué pendant la période d'essais pour étudier la faisabilité et les caractéristiques nécessaires d'une voie en béton.
Cette poutre est déposée au pied du rail de l'Aérotrain à Saran et il est prévu à terme de l'installer entre deux supports et d'y suspendre la cabine du SAFEGE.

Mais les démarches de l'ARSATI pour créer un musée restent vaines. L'accès au hangar de l'armée lui est bientôt refusé et la base militaire d'Orléans-Bricy est fermée quelques années plus tard.

Le hangar n'est plus gardé et la cabine du SAFEGE est bientôt vandalisée.





Les projets étrangers

Si aucune ligne commerciale SAFEGE n'a été construite en France, heureusement, à l'Etranger et au Japon en particulier, d'autres projets ont vu le jour.



La ligne Safege de Shonan

Photo : © Hiroshi Naito - Japanese Railway Society

A Shonan, au sud-ouest de Tokyo, une ligne de 6,6 km, réalisée suivant le principe SAFEGE TRANSPORT a été construite. Elle fonctionne depuis 1970 et transporte 30000 personnes chaque jour. C'est une voie unique, parcourue dans les deux sens, et les croisements s'effectuent en station (8 sur la ligne), ce qui nécessite une parfaite synchronisation des circulations.




Une deuxième ligne existe également à Chiba City, toujours au Japon. C'est la société MITSUBISHI qui l'a construite, toujours suivant le principe SAFEGE TRANSPORT. Cette ligne, ouverte en 1988 est longue de 15,5 km. Elle est double et des projets de prolongement existent. Ce sont les conditions climatiques particulièrement difficiles dans cette région (pluies fréquentes) qui expliquent le choix du système SAFEGE, car la voie de roulement reste sèche en permanence.



La ligne Safege de Chiba City - © The Monorail Society

Photo : © The Monorail Society